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Notre organisation animale a des besoins indispensables : manger, dormir, engendrer… Une nourriture, une cabane, des vêtements, une femme, sont donc une stricte nécessité pour le bonheur.

Notre organisation intellectuelle a des appétits non moins impérieux et dont la satisfaction est beaucoup plus précieuse. C’est dans leur entier développement que consiste vraiment le bonheur. Sentir et raisonner, voilà proprement le fait de l’homme. Voilà ses titres à la suprématie qu’il a acquise, qu’il conservera toujours.

Le sentiment nous révolte contre la gêne, nous rend amis du beau, du juste ; ennemis de l’oppresseur et du méchant. C’est dans le sentiment que gît la conscience, dès lors la moralité. Malheur à celui à qui ces vérités ne sont pas démontrées ! il ne connaît de la vie que les rebuts ; il ne connaît des plaisirs que la jouissance des sens.

Raisonner, c’est comparer. La perfection naît du raisonnement, comme le fruit de l’arbre. La raison, juge immobile de nos actions, en doit être la règle invariable. Les yeux de la raison garantissent l’homme du précipice des passions, comme ses décrets modifient même le sentiment de ses droits. Le sentiment fait naître la société ; la raison la maintient encore.

Il faut donc manger, dormir, engendrer, sentir, raisonner, pour vivre en homme ; dès lors pour être heureux.