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qui contribuèrent à mettre en honneur cette sœur cadette du roman. Un élève de Wieland, Meissner, avait mis le genre à la mode par ses Esquisses, commencées en 1778. Puis était venu Musæus qui, après avoir traité de vieilles légendes populaires, s’était mis en 1787 à remanier dans les Plumes d’Autruche des nouvelles d’origine française. C’est dans ce recueil que Tieck, avec sa merveilleuse facilité, transforma quelques années plus tard en nouvelles plusieurs contes du Moyen-Age (i). C’est après ces premières nouvelles de Tieck que se placent celles de Kleist. Car le plein épanouissement de la nouvelle n’eut guère lieu qu’après sa mort. Ondine, de Fouqué, parut en 1811 ; la même année vit publier un recueil de nouvelles d’Arnim. Les Contes de Grimm sont de 18 12. Pierre S chlemihl, de Chamisso, parut en 18 14. C’est de cette année que datent les premiers Contes fantastiques d’Hoffmann, et les meilleures productions de Brentano sont postérieures à cette époque.

La nouvelle doit son nom à ce que, contrairement au roman, qui à l’origine prenait ses sujets dans le passé, elle empruntait les siens au présent. Mais cette distinction disparut de bonne heure. En fait, il y a surtout entre le roman et la nouvelle une différence de longueur, et cette différence en entraîne d’autres plus importantes. Tandis que le roman, sorte d’épopée en prose, se complaît dans le vaste récit d’une longue action, et que l’écrivain y peut analyser par le menu les sentiments des personnages, leur naissance et leur développement, pour nous mener pas à pas aux effets qu’ils produisent ; la nouvelle, plus courte, ne doit montrer de ces sentiments que ce qui est nécessaire pour qu’on en comprenne les effets, les prendre au moment où la crise va avoir lieu. Le roman est surtout la peinture de différents étc-tts d’âme, la nouvelle est avant tout le récit d’une action ; par là elle se rapproche du drame. Il est donc naturel : d’abord, que Kleist, doué des facultés dramatiques que nous connaissons, ait préféré la nouvelle au roman quand il songea à conter ; et ensuite que, précisément parce qu’il possédait ces qualités, il ait laissé dans la nouvelle des productions dont plusieurs sont des modèles.

(i) Plus tard, à partir de 1821, il emprunta d’ordinaire ses sujets à la vie moderne.