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ler ; la crainte de ſe préſenter mal-à-propos, même celle de ſe rendre ſuſpect, par un empreſſement trop marqué, l’obligea d’attendre juſqu’à l’heure du dîner. Cette prétendue négligence ajoutée aux autres ſujets de plainte que je croyois avoir contre lui, me firent mettre de l’humeur, de la bruſquerie dans mon accueil, pendant que Madame de Rozane contraſtoit, en mettant, pour la premiere fois, des graces dans le ſien.

Depuis mon mariage, le Marquis voyant le mal ſans remede, avoit obtenu de ſon fils, qu’il réprimeroit ſon mécontentement, qu’il uſeroit au moins de circonſpection envers ſa belle-mere. De ſon côté, elle avoit obſervé les égards ; mais avec une froideur, un ſérieux, dont elle ne s’étoit jamais démentie : en ce moment il ſembloit que nous euſſions changé de rôle. Mon air boudeur l’avoit frappé, le Comte s’étonnoit preſqu’également de nous deux ; nous étions, les uns pour les autres, une énigme inexplicable… Il fut queſtion de régler ce que j’allois devenir. J’étois trop jeune pour qu’on me laiſsât vivre ſur ma bonne foi. Madame de Rozane ne vouloit pas que nous demeuraſſions enſemble. Le Marquis répugnoit au Couvent : il prétendoit, qu’ayant une mere, cette retraite laiſſeroit du louche ſur