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L’étonnement, la confuſion de Madame de Rozane étoient au plus haut degré, ſa colere avoit changé d’objet, j’étois oubliée ; le Marquis jugea le moment favorable pour plaider ma cauſe, & le fit bien. Le ſilence de ma mere nous tenoit dans l’incertitude… Elle rêvoit… J’étois à genoux ; … j’arroſois de mes larmes une de ſes mains, qu’elle m’abandonnoit par diſtraction… Nous ne ſavions à quoi cela ſe termineroit, quand elle fit le geſte de quelqu’un qui prend ſon parti après une mûre délibération… Les bleſſures de mon cœur ne ſe refermeront de long-temps, dit-elle ; mais n’en parlons plus… J’eſpere, Monſieur, que vous ne rappellerez jamais à mon ſouvenir, les indignités dont vous m’avez fait part, & qu’on auroit dû me laiſſer toujours ignorer… Vous, Madame, quittez cette humble poſture, qui ne prouve rien : l’avenir fera voir juſqu’à quel point je peux compter ſur votre refpect & votre ſoumiſſion. En attendant, Madame d’Archenes pourra juger que votre préſence me paroît fort peu redoutable… Penſez, au reſte, qu’un pardon n’eſt pas un oubli, & qu’une faute nouvelle feroit tout revivre.

Le Comte n’avoit pas appris, ſans une vive émotion, que j’étois chez ma mere : il brûloit d’impatience de me voir, de me par-