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ſadrice de ***, chez laquelle j’avois ſoupé, propoſa un déguiſement bizarre pour aller au bal de l’Opéra. Les premieres perſonnes que j’y remarquai, furent Murville & ſa maîtreſſe, qui ſe promenoient dans la ſalle à viſage découvert. L’occaſion de harceler ces deux objets de mon averſion, me parut belle ; je propoſai au Chevalier F. d’être mon ſecond : il y conſentit d’autant plus volontiers, qu’il avoit, pour ſon compte, des plaintes à faire de l’Intendante.

Nous les attaquâmes, nous les perſécutâmes à outrance… Pluſieurs fois ils nous échapperent ; toujours nous les rejoignîmes… Cette opiniâtreté attira l’attention de ceux qui ſe trouvoient à portée de nous entendre : on s’approcha, on ſe preſſa ; … nous faiſions ſpeftacle. Madame d’Archenes frémiſſoit de ne ſavoir à qui s’en prendre. Murville ſe donnoit la torture pour nous deviner ; je riois de l’inutilité de ſes efforts… Comme je ne m’étois pas habillée chez moi, que j’avois deſſein de quitter mon déguiſement avant que d’y rentrer, j’étois perſuadée qu’il ne connoîtroit jamais les auteurs de l’étrange comédie qui ſe jouoit à ſes dépens ; mais, par malheur, l’Ambaſſadrice, attirée dans le tourbillon, eut l’imprudence de me nommer. Murville changea de couleur, m’examina ſoigneuſe-