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ſante ! j’eſpérois en tirer un grand parti… Quelle fut ma ſurpriſe, mon chagrin, mon dépit, quand je me vis réduite à dîner en quatrieme avec ma mere, ſon mari & le mien. Je me fis mille queſtions ; je formai cent conjectures… J’accuſai Rozane de refroidiſſement, de mauvais procédé,… de me faire, par ſon abſence, un reproche tacite de ma foibleſſe, & l’aveu de ſon peu d’eſtime… Je me tourmentai horriblement, & bien à pure perte. Le Comte étoit ſorti avant que j’arrivaſſe, n’ayant garde de penſer, après ce que je lui avois dit ſur l’humeur de ma mere, que je duſſe venir ſitôt m’établir familiérement chez elle. M. de Rozane nous quitta en ſortant de table. La porte étoit fermée pour tout autre que des parents ; & ce jour que j’avois cru deſtiné à de violentes agitations, ne me parut d’une longueur inſupportable, que par le vuide & l’ennui que j’y reſſentis. Murville s’excuſa du ſouper : on ne me le propoſa pas ; j’en fus fort aiſe.

Convenez, me dit-il, en nous en retournant, que je vous ai miſe dans une furieuſe preſſe, quand j’ai demandé un entretien ſecret à votre mere ? Vous avez penſé que j’allois l’inſtruire de votre équipée, cela étoit tout ſimple ; mais vous étiez mourante : la pitié m’a retenu ; c’eſt une diſcrétion