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ai dit des choſes dures : j’en penſois encore plus… Mon cœur étoit plein : il ne pouvoit s’ouvrir, ſans qu’il en ſortît un torrent d’amertume ; mais il n’en brûloit qu’avec plus d’ardeur… C’étoit l’amour outragé qui me faiſoit paroître impitoyable envers celle dont je voudrois aſſurer le bonheur aux dépens de ma vie… Ne pleurez plus, je vous en conjure… Ne prolongez point vos tourments & les miens… Dites que vous m’aimez : répétez-le mille fois pour me forcer d’oublier que vous en avez aimé un autre, & vous me verrez mourir du regret d’avoir pu vous déplaire.

Rozane étoit à mes pieds, d’où je ne penſois pas à le faire relever… Abattue, fatiguée par ce qu’elle avoit ſouffert, mon ame admettoit lentement la douceur de retrouver mon amant auſſi tendre. Je me plaignis, je fis des reproches, j’oppoſai des douces ; tout fut répondu, tout fut combattu, tout fut détruit.

Mon courage ſe relevoit, je reprenois une exiſtence plus agréable, quand le ſouvenir du nom que je portois, me replongea dans l’accablement… Je pouſſai un ſoupir, une exclamation… Rozane en comprit le ſens, il en fut déchiré… Nous tombâmes en des réflexions déſolantes, dont nous devinions le ſujet, ſans nous le communiquer.