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dont quelques-uns pourront vous bleſſer ; mais puiſque je ſuis forcé de rompre le ſilence, ce ne ſera qu’avec la ſincérité qui m’eſt propre.

Je penſe, reprit-il, après une aſſez longue pauſe, que vous n’avez pas oublié notre entrevue au Couvent de ***, & la propoſition que je vous fis de nous engager ſur la foi des ſerments ? Votre effroi, votre indéciſion me firent juger que j’étois condamné aux tourments d’une paſſion invincible & malheureuſe.

Je partis, le déſeſpoir dans l’ame, & ne cherchai point à entretenir, par mes lettres, un amour trop foible, pour réſiſter aux attaques qu’on alloit lui porter.

J’appris votre ſortie du Couvent, & bientôt après les aſſiduités de Murville, dont j’avois toujours craint les vues intéreſſées, & le talent à flatter votre mere.

La nouvelle de votre mariage me fut annoncée quand Madame de Rozane l’eut rendu public. Je penſai que je ne ſouffrirois jamais davantage qu’en cette conjoncture. Je me trompai. Notre cœur a une extenſion étonnante pour la douleur ; chaque forme qu’elle prend, ſemble nous communiquer une faculté nouvelle pour la ſentir : l’extrémité où vous fûtes réduite, m’en fit faire la triſte expérience.