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l’étiez plus… Mais je vous fais réparation… tous mes ſoupçons ſe diſſipent, puiſque je vous vois diſpoſé à partager mes peines… Ma ſœur eſt morte, ajoutai-je : je penſe que vous le ſavez ? — Oui, Madame, & j’en ſuis pénétré d’un véritable regret. — Vous devez l’être ; elle vous aimoit, vous eſtimoit… D’ailleurs, vous n’ignorez pas comment, pourquoi nous l’avons perdue ? Mais par une cauſe toute naturelle, ſans doute, répondit-il, en me regardant d’un air d’inquiétude ; Mademoiſelle d’Aulnai étoit d’une foible complexion ; elle n’aura pu ſoutenir… Eh ! non, non, interrompis-je, ne diſſimulez point avec moi ; cela ſeroit inutile ; la fatale vérité m’eſt dévoilée : ma ſœur eſt morte de déſeſpoir ; & ſans les ſecours de l’amitié, je ſuivrois bientôt ſon exemple… Ah ! Comte, que je ſuis malheureuſe ! Dans quel gouffre d’horreurs on m’a fait entrer ! Tenez, liſez, & jugez quel doit être mon état avec de ſemblables connoiſſances.

Rozane frémit aux apoſtrophes terribles qui commençoient la lettre. Cet écrit eſt-il bien de Mademoiſelle d’Aulnai, demanda-t-il ? Oui, répondis-je, c’eſt le legs qu’une ſœur chérie a daigné me faire en mourant… Comme elle me haïſſoit ! eh, pourquoi ? qu’avois-je fait que de baiſſer la tête ſous le