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Madame de Murvillle à M. le Comte de Rozane.

„ En d’autres temps, j’ai fait gloire de vous inſpirer des ſentiments plus doux que celui de la pitié ; aujourd’hui c’eſt elle ſeule que je réclame : ſi vous en êtes ſuſceptible, venez ; la plus malheureuſe des femmes vous en conjure. A quelque heure que vous receviez mon billet, ſuivez celui qui vous le remettra. La nuit qui va ſuccéder au plus affreux de mes jours, ne verra sûrement pas le ſommeil approcher de mes yeux ; ainſi je ſerai toujours prête à recevoir l’unique conſolation que je puiſſe encore eſpérer, celle de me plaindre, & de trouver une ame ſenſible aux cruels chagrins dont je ſuis dévorée. „

L’hôtel de Rozane & le mien n’étoient pas éloignés. Une demi-heure s’étoit à peine écoulée, quand j’entendis quelqu’un qui s’avançoit fort vîte : ce bruit me cauſa une oppreſſion, un tremblement qui m’ôterent la force de me lever à l’arrivée du Comte.

Je peux donc me flatter d’avoir en vous un ami, dis-je, en lui préſentant la main. M’auriez-vous fait l’injuſtice d’en douter, demanda-t-il ? ― Je crois qu’oui… Tant de choſes alloient à me perſuader que vous ne