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comme une preuve de votre tendreſſe ; & j’avoue que cela auroit été vrai dans d’autres temps : je m’explique. Si, lors de mon départ, vous aviez tout quitté pour me ſuivre ; ſi je vous avois vu diſpoſée à préférer les ennuis de la retraite à ceux de l’éloignement, je me ſerois perſuadé, malgré le témoignage de mes yeux, que j’étois encore ce qui vous étoit le plus cher au monde ; qu’une femme pouvoit être coquette, imprudente, quoique ſenſible… Touché des marques de votre eſtime, de votre confiance, mon cœur ne ſe ſeroit point fermé aux épanchements du vôtre, & mes bras n’auroient pas eu la force de vous repouſſer ; mais vous ne m’avez ni aſſez aimé pour deſirer de vivre avec moi, ni aſſez eſtimé pour vous livrer ſans condition à mon reſſentiment… Rien ne peut donc aujourd’hui détruire l’opinion que vos lettres à Cardonne m’ont fait concevoir, & que trois ans d’une ſéparation volontaire, n’ont que trop confirmée.

De grace, m’écriai-je, ne me jugez point ſur des lettres qu’un ſentiment bien différent de l’amour m’avoit dictées : c’étoit la vengeance, c’étoit le plaiſir de rendre à Madame d’Archenes une partie des maux qu’elle nous avoit faits. Elle aimoit Cardonne… Je compcois déchirer ſon cœur