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Ma propoſition, mes inſtances la flatterent, & ne purent la perſuader. Je ne ſuis pas aſſez jeune & aſſez riche pour vous, me dit-elle : ma fille vous convient mieux, je vous la promets. Laiſſez-moi prévenir les eſprits ſur ce mariage : en le concluant, je ſatisferai mon amitié, & reconnoîtrai, comme je le dois, la préférence que vous m’avez donnée.

Dès que vous fûtes en âge d’être mariée, je ſommai votre mere de ſa parole : elle la renouvella, en différant de l’effectuer. Les motifs qu’elle m’allégua étoient ſpécieux ; je devinai les véritables, & mis de la retenue dans mes ſollicitations, par la crainte de lui déplaire. Monſieur de Rozane, qui n’avoit pas les mêmes raiſons que moi, pour ménager la délicateſſe de ſa femme, ne l’eut pas plutôt épouſée, qu’il la perſécuta pour vous retirer du Couvent, & l’obtint, après quelques délais.

Je croyois toucher à mon but, quand vos grands parents s’aviſerent de produire le Marquis de B***, & le firent appuyer par toutes les perſonnes capables de donner du poids à ſa recherche. L’embarras de votre mere fut extrême. Un rang à la Cour, d’illuſtres alliances, de puiſſantes recommandations, n’étoient pas choſes qu’on pût rejetter ſans dire pourquoi… J’ignore com-