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Le Chevalier de Murville me devina, & vint me prendre pour danſer, à l’inſtant où j’étois le plus vivement affectée. Diſſimulez un peu mieux, dit-il, en s’approchant de mon oreille : c’eſt trop honorer un ingrat que de lui laiſſer voir les tourments qu’il fait ſouffrir. Je vous ſuis obligée de l’avis, répondis-je, en rougiſſant ; mais je ne me croyois pas dans le cas d’en avoir beſoin.

Comme la danſe commençoit, il ne fit que me ferrer la main, avec un ſouris négatif, qui acheva de me déconcerter. Mes jambes trembloient ; je danſai mal ; j’en fus grondée : cette gronderie me ſervit de prétexte pour ne plus danſer, & pour juſtifier mon air de triſteſſe.

Le bal finit, à ma grande ſatisfaction. Nous partîmes. Placée avec Rozane ſur le devant du carroſſe, je ne diſois rien ; mais je me ſerrois contre le panneau, pour lui faire comprendre le chagrin qu’il m’avoit cauſé, & j’eus celui de voir qu’il ne le remarquoit pas.

A deux jours delà, ma mere me conduiſit chez Madame de Villeprez. Le ſallon étoit diſpoſé de façon, qu’une glace répétoit à ceux qui entroient, tous les objets qui lui étoient oppoſés : le premier que j’apperçus fut Rozane, aſſis ſur un ſopha, au-