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la mort, & ne reconnois plus aucune autorité ſur la terre.

Vous avez ſignalé votre conſtante averſion pour une infortunée à qui vous aviez donné l’être, continua-t-elle, en apoſtrophant toujours la Marquiſe… Vous m’avez arraché le ſeul bien capable de me dédommager des longues & humiliantes privations auxquelles vous m’aviez condamnée… Vous ne m’avez laiſſé que le choix d’une mort prompte, ou d’une vie abreuvée d’amertume… J’ai choiſi, Madame : je meurs. Mais celui qui juge des actions humaines, doit, ſans doute, être le vengeur des malheureux opprimés… La voix de mes tourments va réclamer ſa juſtice… Je me flatte… J’eſpere que ſon bras appeſanti ſur ma marâtre, lui rendra le prix de ce qu’elle m’a fait ſouffrir… Qu’il punira le perfide dont j’ai été lâchement abandonnée… Que celle à qui… Epuiſée par les efforts prodigieux qu’elle avoit faits, elle perdit la parole, du moins on ne diſtingua plus ce qu’elle eſſayoit encore de balbutier.

Ses mouvements étoient convulſifs, ſa reſpiration précipitée… On nous fit ſortir. Je fondois en pleurs. Madame de Rozane, pâle, interdite, ſe laiſſoit conduire, ſans proférer un ſeul mot. La Supérieure lui faiſoit des excuſes qu’elle n’entendoit pas…