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appercevoir… Je reçus l’avis très-durement : il devoit s’en fâcher : il n’en fit rien. Bleſſée du peu d’importance qu’il ſembloit mettre à ce caprice, j’eus la bizarrerie de lui en faire des reproches : il n’en tint compte. Une ſortie fort vive, où je me laiſſai emporter, ſans trop ſavoir pourquoi, ne me réuſſit pas mieux. J’en conclus que Murville étoit un homme léger, qui ne vouloit & ne pouvoit s’appeſantir ſur rien.

Ce grief fut le prélude de cent autres. Quoique ſa conduite avec moi fût exactement la même, il ne ſe paſſoit pas un jour ſans que je lui ſuppoſaſſe quelque tort. Sa façon de m’aimer étoit particuliérement le ſujet de mes tracaſſeries. Exigeante en proportion de ce que mon goût pour lui s’affoibliſſoit, je voulois de l’amour dans tout, & n’en reconnoiſſois nulle part. Je pleurois, je grondois, je contrariois, j’étois inſupportable. Mon mari développoit mieux que moi-même la cauſe ſecrete qui me faiſoit agir ; mais il ne prenoit la peine ni de m’éclairer, ni de ſe défendre. Toute querelle, de ma part, n’attiroit, de la ſienne, que du perſifflage : un ſouris moqueur, une chanſon, une épithete dédaigneuſe la terminoient ; il me quittoit enſuite comme quelqu’un qu’on abandonne à ſa déraiſon.

Cependant nous vivions enſemble, ce qu’on