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AVIS INDISPENSABLE

SUR L’USAGE ET L’UTILITÉ DE CE DICTIONNAIRE,

POUR LES PERSONNES QUI PARLENT, LISENT OU ECRIVENT LE FRANÇAIS.

Le DICTIONNAIRE UNIVERSEL d’une langue doit contenir tous les mots

de cette langue qui représentent une idée.

CHACUN des Dictionnaires français a son mérite, ses richesses particulières ; le Lecteur qui ne consulte qu’un Dictionnaire, se prive donc d’une foule de ressources ; mais, s’il en parcourt plusieurs, il reconnaît que chacun d’eux renferme une source nouvelle d’incertitudes, et que pour se former une opinion définitive, il faudrait les connaître et les consulter tous. En effet, ces Dictionnaires ne sont pas d’accord entre eux pour les Acceptions et les Définitions, encore moins pour l’Orthographe ; et les Nomenclatures, en général, offrent un très-grand nombre de mots admis par les uns, rejetés par les autres.

L’auteur de cet ouvrage a entrepris : I° de réunir sans confusion, pour les LECTEURS et les AUTEURS, tous les genres d’utilité, toutes les richesses communes à tous les Dictionnaires ou particulières à chacun d’eux ; 2° de lever les incertitudes que l’on éprouve en consultant plusieurs de ces ouvrages ; 3° de délivrer de la pénible nécessité de les confronter tous pour faire un choix ou fixer son opinion.

Dans ce but, il a rassemblé tous ces Dictionnaires ; il les a comparés les uns avec les autres ; il a noté toutes les différences d’Acceptions, de Définitions, d’Orthographe, recueillant avec soin tout ce que chacun d’eux donnait de plus que les autres, avec les citations des noms des Lexicographes ; et opposant le plus grand nombre au plus petit, ou l’autorité la plus respectable aux autorités plus faibles : il doit résulter de ce long et fastidieux travail, s’il a été bien fait, un EXTRAIT COMPARATIF DES DICTIONNAIRES, Extrait qui donne en même temps leur CONCORDANCE GÉNÉRALE, leur CRITIQUE et leur SUPPLÉMENT.

Ce travail n’aurait pas encore suffi pour atteindre le but proposé. Les Dictionnaires ont, en général, été stationnaires ; ceux qui les ont publiés n’avaient pas consulté les ouvrages des bons Auteurs anciens, et encore moins les ouvrages des Modernes : cependant le génie des écrivains du 17e siècle, du 18e, et même du 19e, les progrès des Sciences et des Arts, le développement des mœurs politiques, ont apporté de grands changements dans la langue, et l’ont enrichie ou modifiée. L’auteur a recueilli dans les Écrivains anciens et modernes ces richesses inconnues, et particulièrement d’excellentes définitions négligées par les Lexicographes ; il les a réunies à celles des Dictionnaires.

Des Écrivains célèbres, des Savants, des Philosophes, des Littérateurs, VOLTAIRE, FÉNELON, LOCKE, D’ALEMBERT, VAUVENARGUES, RIVAROL, etc., etc., ont regardé la rédaction d’un Dictionnaire comme un ouvrage assez important pour en faire l’objet de leurs méditations ; ils ont reconnu que plusieurs genres d’utilité manquaient aux ouvrages de ce genre qui existaient de leur temps ; mais aucun de ces Écrivains n’eut la patience ou le loisir d’entreprendre ce perfectionnement. L’Auteur a tâché de l’exécuter d’après leurs vues : il a réuni les genres d’utilité désirés par ces grands écrivains et négligés par les Lexicographes ; il les a combinés avec ceux des Dictionnaires existants ; et de cette combinaison est né le plan entièrement neuf d’après lequel il a entrepris cet Ouvrage. Quoique livré tout entier à l’exécution de son projet, il n’a’pu le réaliser que par vingt-cinq années d’un travail assidu ; il a successivement mis au jour les résultats de ses diverses tentatives, et l’accueil favorable que leur ont toujours fait le Public, les Journalistes et les Chefs de l’instruction publique, a soutenu sa patience et son courage. L’auteur avait souvent senti le besoin d’un tel Dictionnaire ; il a lâché de le faire pour les autres, comme il avait souhaité qu’un autre l’eût fait pour lui.

Le rédacteur d’un nouveau Dictionnaire (de 1820), éditeur lui-même du Dictionnaire de l’Académie (en 1801), a cru pouvoir dire dans son Discours préliminaire : « Il n’est pas étonnant que nous n’ayons pas un bon Dictionnaire de notre langue, surtout si l’on considère la fausse route que l’on a prise pour recueillir les mois, les tours et les expressions dont la langue s’est enrichie successivement » (1). Ce même lexicographe a dit encore (page vj) : « On ne nous taxera pas de beaucoup d’amour-propre, si nous pensons

que notre ouvrage est meilleur que le vieux Dictionnaire de l’Académie, et que tous ceux que l’on a publiés jusqu’à présent parce

que nous avons abandonné l’ancienne routine, qui s’opposait à une bonne exécution, pour prendre une route plus naturelle, plus facile, plus sûre, plus fertile en résultats utiles. »&gt ; D’où l’on pourrait conclure que la route en question est préférable à celle que le même compilateur avait suivie dans son édition de l’Académie (en 1801), route encore choisie par le Rédacteur d’un nouveau Dictionnaire (1823) que ce dernier dit également être le meilleur de tous.

L’auteur du présent ouvrage, n’ayant d’autre but, d’autre espoir que de faire le moins imparfait, le moins incomplet des essais de ce genre, s’était donc déterminé, d’après ces annonces de Dictionnaires toujours les meilleurs de tous, à faire le sacrifice de ses travaux, à les regarder comme nuls, s’il le fallait, et à les recommencer en abandonnant la routine et suivant la bonne route, la route fertile ! Dans cette ferme intention, il a fait une étude particulière des nouveaux Dictionnaires ; il a d’abord recueilli toutes les additions utiles, et a profité quelquefois des mille à douze cents phrases critiques. Mais bientôt il s’est aperçu de certaines choses auxquelles on n’aurait point dû s’attendre : le Rédacteur du nouveau Dictionnaire oubliait que les mots n’ont par eux-mêmes aucun sens naturel ; que leurs significations, leurs acceptions sont de simple convention, et, en conséquence de cet oubli, souvent ce rédacteur changeait leur sens, leur acception ; ce qui rend de pareils articles de lexicographie nuls, inintelligibles et même dangereux. Ce Rédacteur, oubliant encore, ainsi que son successeur, qu’un Dictionnaire doit offrir tous les ensembles de lettres qui représentent une idée, et n’offrir que ceux-là, supprimait d’une part des mots employés même par La Fontaine, tels que CUIDER ; puis admettait d’autre part des mots allemands, qui, pour des Français, ne représentent aucune idée. Du reste, ce prétendu réformateur avait pris la même route que tous les Lexicographes antérieurs, parce qu’il n’y a réellement qu’une seule marche, l’ordre alphabétique des mots, leurs définitions, leurs acceptions usitées, et enfin des exemples corrects : seulement, pour s’écarter de l’ancienne routine, et notamment de celle de l’Académie (édit. de 1765, 1778, 1798 et 1801), il avait souvent changé les définitions,

(1) Il s’agit ici de M. Charles Laveaux, auteur d’un Dictionnaire assez estimé, qui n’est toutefois qu’une ampliation de celui de l’Académie.