Page:Boissy-Oeuvre de Théâtre de M. Boissy. Vol.5-1758.djvu/242

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Qu’ai-je commis contr’eux pour subir l’esclavage,
Et pour me voir ainsi durement enchaîné ?
Me font-ils expier le crime d’être né ?
Si c’est là le forfait dont me punit leur rage,
Avec tout ce qui vit, Sigismond le partage.
J’ai pour complice l’Univers ;
Cependant, ici-bas, jusqu’au poisson qui nage,
Jusqu’à l’oiseau qui fend les airs,
Tout est né libre, & je porte des fers,
Moi, qui par ma raison, par mon noble courage,
Sens que je suis leur plus parfait ouvrage.
Si tu veux, à mes yeux, prouver ton équité,
Ô ciel ! unique auteur des tourmens que j’endure,
Fais partager mes fers à toute la nature,
Ou donne-moi la liberté
Dont jouit, en naissant, ta moindre créature.

ARLEQUIN.

Vraiment il raisonne assez bien ;
Si j’osois, avec lui j’aurois un entretien.

SIGISMOND.

Dans ces demeures soûterraines,
Que ne puis-je goûter la funeste douceur
D’avoir un compagnon de mes cruelles peines !
Pour soulager l’excès de ma douleur,
Il porteroit du moins la moitié de mes chaînes.