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Scène IV

SIGISMOND enchaîné, ARLEQUIN.
SIGISMOND.

Parle, n’es-tu point las,
Ô ciel ! injuste ciel, de m’accabler de chaînes ?

ARLEQUIN.

Il menace le ciel. C’est lui, n’en doutons pas.
Le diable m’attendrit, & j’entre dans ses peines.

SIGISMOND.

Sans avoir vû le jour, depuis vingt ans je vis :
Renfermé dès l’enfance en un cachot horrible,
J’ignore mon forfait, & ne sai qui je suis.
Je ne vois qu’un seul homme, un tyran infléxible,
Instrument & témoin des maux dont je gémis ;
Il ne m’éclaircit point mon infortune extrême ;
Il me parle souvent de la terre & des cieux ;
Il m’apprend à connoître, à respecter les dieux,
Mais il me vante en vain leur justice suprême ;
Le sort que je subis, sans l’avoir mérité,
Dément cette justice, & détruit leur bonté.