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Avant de mettre au jour ce prince malheureux,
Mon épouse, en dormant, crut voir un monstre affreux,
Qui, déchirant son sein, terminoit sa carriere.
Ce songe fut trop vrai ! Fatal présent des cieux !
Sigismond, en naissant, fit expirer sa mere.
Par moi, sur ses destins, le ciel fut consulté,
Et combla les frayeurs dont j’étois agité :
Il me dit que ce prince impie & sanguinaire,
Régneroit sur son peuple en tyran furieux ;
Il me dit, qu’à ses piéds il fouleroit son pere,
Et qu’il blasphemeroit les dieux.
Dans cette affreuse conjoncture,
Le cœur rempli d’un juste effroi,
Mais plus épouvanté pour l’état que pour moi,
Au bien de mes sujets j’immolai la nature,
Et je devins cruel par générosité.
Craignant pour eux ce fils & sa férocité,
Je le fis enfermer dans cette tour obscure,
Pour y vivre & mourir sans connoître son sort ;
J’eûs soin, en même temps, de publier sa mort.
Clotalde, seul instruit, sous une garde sûre,
Fut chargé d’élever Sigismond dans ces lieux,
Non comme un maître légitime,
Mais comme un monstre furieux
Qu’il falloit enchaîner pour le sauver du crime.