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Le Baron.

Jamais.Je suis l’exemple, et je cède à l’usage :
C’est un joug établi que subit le plus sage.

La Comtesse.

Je vous connois, baron, il n’est pas fait pour vous :
Vos amis à ce nœud doivent s’opposer tous.
L’hymen en vous va faire un changement extrême ;
Le monde y perdra trop, vous y perdrez vous-même
La moitié tout au moins du prix que vous valez.
Être couru, fêté par-tout où vous allez,
Être aimable, amusant, et ne songer qu’à plaire,
Voilà votre état propre, et votre unique affaire.
L’homme du monde est né pour ne tenir à rien ;
L’agrément est sa loi, le plaisir son lien :
S’il s’unit, c’est toujours d’une chaîne légère,
Qu’un moment voit former, qu’un instant voit défaire :
Il fuit jusques au nœud d’une forte amitié ;
Il est toujours liant, et n’est jamais lié.

Le Baron.

Le ciel pour tous les rangs m’a formé sociable.

La Comtesse.

Non ; je lis dans vos yeux que l’hymen redoutable
Doit aigrir la douceur dont vous êtes pétri,
Et d’un garçon charmant faire un triste mari.

Le Marquis.

Monsieur ne doit pas craindre un changement semblable :
Pour l’éprouver, madame, il est né trop aimable.
Je suis sûr qu’il a fait d’ailleurs un choix trop bon.

Le Baron.

Mon cœur a pris, sur-tout, conseil de la raison.