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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

ce qui touche le plus. — « C’est vrai tout de même qu’on ne s’en veut pas, » — est une phrase que j’entends souvent. — « Ça n’empêche pas, proteste quelqu’un, ils ne devraient pas être si durs que cela au pauvre monde.» — Ils veut dire : les Prussiens, et l’allusion indique que l’orateur est de ceux qui croient aux brutalités qu’on attribue aux occupants.

Les Prussiens que nous avons à demeure, depuis huit jours, ne peuvent être accusés de dureté. Ils appartiennent à la landwehr, et font plutôt l’effet de gens ennuyés que de gens acharnés. Ils causeraient volontiers avec nous, et il devient quelquefois difficile de garder ses distances.

L’un d’entre eux, menuisier des environs de Nuremberg, a laissé trois enfants chez lui. Marguerite ressemble, dit-il, à l’un d’eux, et il la poursuit de toutes sortes d’attentions aimables ; quand maman rappelle la fillette qui s’égare de son côté, le pauvre homme prend un air triste qui fait peine.

Hier, nous avons trouvé sur le seuil du salon une petite charrette travaillée d’une manière charmante, avec une pelle et un râteau également bien réussis. Marguerite est devenue rouge de plaisir en s’en emparant ; il faut te dire que nous n’avons plus acheté le moindre jouet depuis la guerre, de sorte que les enfants sont réduits à des débris. Mais Robert a arraché la charrette des mains de sa sœur et l’a jetée bien loin. — « Comment peux-tu être assez