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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

Berthe à André de Vineuil.
Les Platanes, 12 octobre.

On est venu tout à l’heure dire à maman qu’une nombreuse troupe de pauvres gens avec des charrettes et un immense troupeau de vaches avaient envahi la place et semblaient vouloir y camper. Maman m’emmena avec elle, et nous trouvâmes huit charrettes pleines de femmes et d’enfants dominant un océan de quadrupèdes cornus, maigres, sales et beuglant d’une façon lamentable.

Quelques hommes essayaient d’improviser un foyer en plein air ; bien vite, maman envoya des ordres à la cuisine, et s’avançant vers les voyageurs avec cette expression d’accueil joyeux que les Prussiens seuls n’auront pas vu sur son visage, elle invita tous ceux qui auraient faim à entrer chez elle, où ils trouveraient de la soupe chaude. En effet, en allongeant d’un seau d’eau le bouillon à nous destiné, en y ajoutant du beurre, du sel, beaucoup de pain, des rouelles de saucisson, un reste de purée de pommes de terre, etc., nous nous sommes trouvés pouvoir donner une tasse pleine de quelque chose de très-bon à chacun des trente ou trente-cinq individus dont

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