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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

bonne portée d’une batterie perfectionnée, entendre du bruit pendant une heure, repasser et trouver la moitié des hommes à terre, sans même qu’aucun ait eu l’âpre joie de la lutte ; se dire que cela n’a servi à rien, que chacun n’en reste pas moins dans ses lignes et qu’il faudra recommencer demain… tout cela est trop affreux et donne une grande lassitude de la vie de ce monde.

On retourne alors vers le passé pour en regretter même les tristesses. Que nous savions peu ce que nous faisions quand nous nous plaignions sous Sébastopol d’être si loin de la terre française ! Qui nous eût dit que c’était là le beau temps, qu’un jour viendrait où l’on voudrait vainement éloigner de soi une autre guerre, que Paris, plein de femmes et d’enfants, deviendrait un nouveau Sébastopol, que notre sol serait le sol souillé, ravagé ! La leçon est bien dure, puissions-nous la comprendre, et apprendre en souffrant à ne plus faire souffrir !

En arrivant sur le terrain, j’ai vu relever un jeune homme grand comme Maurice et blond comme lui ; je savais mon fils à Saint-Denis, à sa batterie, et pourtant j’ai eu ce qu’on appelle vulgairement un coup. Que Dieu nous épargne !

Il sort pourtant quelque bien de tout ce mal ; jamais, sans contredit, le dévouement personnel ne s’est montré plus grand. Cette Société internationale de secours fait merveille. Tous les blessés d’hier ont