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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

garance. Malgré tout, tu vois que je ne pourrai jamais en vouloir à ce garçon-là. Du reste, il se porte à merveille et est le favori de chacun au régiment comme ailleurs. Sa famille et toi surtout, héroïne incorrigible, êtes ses seuls soucis. Nous serons bien heureux si mon messager réussit à rapporter de vos nouvelles.

La voie était si encombrée hier, au retour de notre expédition, que nous ne sommes arrivés à Condé qu’à dix heures du soir, et à Thieulin qu’après minuit. De la grille, nous voyons les fenêtres éclairées, des ombres qui passent et repassent ; sur le perron, Cadet le garde, d’un air fort ému, nous annonce que des espions sont cachés dans le parc. Tu vois d’ici ma frayeur. Ton beau-frère se fâche pour redonner du ton au moral de son personnel, soutient que les Prussiens qui arrivent à peine devant Paris ne songent guère au Perche, et demande ce qu’on fera de plus s’ils parviennent une fois jusqu’à nos cantons. On lui raconte les faits. Deux hommes avaient demandé la route de Châteaudun, puis s’étaient dits fatigués et, en se reposant, avaient fait mille questions sur les environs, l’état des routes, les gardes nationales, etc.

Ensuite, au lieu de prendre la route de Châteaudun, ces gens avaient suivi le chemin creux qui longe le parc à droite, il n’en avait pas fallu davantage : les têtes s’étaient montées, on s’était persuadé