Page:Boissonnas, Une famille pendant la guerre, 1873.djvu/63

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

47
UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

parvint à se faire un trou suffisant pour toucher le toit ; il ôta une tuile, puis deux, puis trois, réussit à s’élever au travers de l’ouverture, puis à glisser sans accident jusqu’à terre. Mais là, un bruit de verre cassé sous son poids le trahit ; il devina que l’éveil était donné et prit sa course à travers champs. Quelques coups de fusil lui furent tirés dans l’obscurité, et il fut ou se crut poursuivi sérieusement ; ce ne fut qu’à l’abri des clôtures d’un parc qu’il osa s’arrêter et qu’il reconnut qu’une balle lui avait effleuré le bras.

Heureusement que là encore il trouva des gens courageux et dévoués. La fièvre l’avait pris et il resta dix jours chez des cultivateurs, trop malade pour quitter son lit. Ensuite ses hôtes le firent guider hors des lignes de l’ennemi et le fournirent d’argent pour qu’il pût prendre le chemin de fer. Il arrivait hier au Mans, harassé, vieilli, perdu dans son propre pays, ne sachant où était sa famille, pleurant son régiment prisonnier. Je l’ai amené chez moi. Il cherche à qui s’adresser pour rentrer de suite en activité ; dès qu’il aura reçu sa nomination, il ira embrasser les siens, puis partira.

Je lui ai donné des nouvelles de vous tous. En apprenant que mon père, avec sa mauvaise santé, avait repris du service, que vous, chère maman, aviez refusé de quitter votre poste, il m’a dit que vous étiez bien toujours les mêmes et que nous ne vaudrions jamais autant que vous. Pauvre capitaine !