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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

ment lamentable, que votre fils, tout indigne qu’il est, s’en est ému et que, sans les exigences du service (phrase consacrée), je vous aurais demandé aussitôt sa lettre reçue, si vous croyez vous-même à l’espèce de cauchemar auquel elle veut m’associer. Ou nous sommes ici bien ignorants de ce qui se passe, ou j’ai l’entendement furieusement obtus, mais je ne puis croire au siége de Paris, et, grâce à l’absence de cette croyance fondamentale du système de Berthe, je ne puis m’attendrir encore sur la douleur (qui serait si grande, je le sais) d’une longue séparation de maman d’avec vous.

Pourtant, cher père, quand je vous ai vu reprenant le harnais guerrier, tant par fidélité à votre vieil ami le devoir que par amour pour votre fils le polytechnicien, mon incrédulité a reçu un sérieux ébranlement qui m’a conduit à faire l’emplette du Parfait Troupier, augmenté de la Théorie du maniement du chassepot, de la nouvelle école de peloton, etc., etc. Qu’on dise après cela que je ne fais pas consciencieusement les choses ! En ce moment, nous sommes cent quarante sur l’effectif de la compagnie qui n’avons jamais été plus loin que l’École du soldat. Cependant nous sommes beaucoup plus avancés que les mobiles, dont aucun n’a encore de fusil, et nous croyons de bonne foi faire l’admiration de la population du Mans quand l’exercice nous appelle sur la verte promenade qui orne cette