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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

Berthe à André de Vineuil.
Les Platanes, 16 septembre.

Les deux journées qui ont suivi le départ de mon père ont été tristes et mornes comme des journées sans espérance. À deux ou trois reprises, de vagues rumeurs : Les Prussiens sont à Montlévêque ! les Prussiens seront ici ce soir ! — ont traversé le village, mais leur peu de fondement n’a pas tardé à être reconnu. Maman ne s’en est point émue, et notre ordre habituel de leçons et de promenades n’a été troublé que par nos essais pour perfectionner nos cachettes ou mettre en ordre nos approvisionnements. Le 15, vers cinq heures de l’après-midi, par un temps qui ressemblait au beau temps, je gardais les enfants tout au bout des prairies, à cette place que nous aimons, d’où l’on aperçoit les clochers de S… à droite, et devant soi, la chaussée du Chemin-aux-Bœufs qui coupe en deux la plaine avant de s’enfoncer dans les bois. Nous allions rentrer, et je donnais un dernier coup d’œil au soleil couchant qui illuminait glorieusement ce paysage si simple et si calme, je lui en voulais d’être beau comme autrefois quand nous étions devenus si tristes.