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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

mots nécessaires, mais sa prière muette fut exaucée et il put parler avec calme.

Le regard de Maurice, ranimé par une ardente attention, ne quitta pas le sien jusqu’au moment où deux larmes vinrent le troubler. « Ne vous faites pas trop de chagrin, dit-il, pour moi ce n’est pas grand’chose… il y a seulement maman !… » et les paupières se fermèrent pour arrêter les larmes qui voulaient tomber.

Il était redevenu tranquille et souriant quand le chirurgien parut avec ses aides. — « Quel bonheur qu’on puisse me chloroformer ! dit-il. Je me souviens que, pendant une rougeole, maman nous lisait Mes prisons de Silvio Pellico ; il y a un affreux récit de l’amputation de Maroncelli, après lequel elle nous disait : « Tâchez de ne jamais vous faire couper de jambe, vous voyez ce que c’est ! » — Elle sera bien heureuse que je n’aie pas à souffrir. Vous le lui direz, père. »

M. de Vineuil fit un grand effort : « Tu le lui diras toi-même. »

« Alors, reprit Maurice, avec un sourire de soumission, nous le lui dirons ensemble. » Avant de s’abandonner au chloroforme, il eut encore une pensée pour un anneau de peu de valeur qu’il portait à la main gauche.

« Je suis si douillet qu’il vaudra peut-être mieux l’ôter après, » fit-il.