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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

moyeu dans les terres détrempées. On entendit le général demander à haute voix dans la brume qui se faisait de nouveau : « Où est donc Vineuil ? Il faut leur envoyer Vineuil ! Il les fera marcher ! » Mais Maurice de Vineuil ne se trouva pas.

Quand, les uns après les autres, les bataillons décimés rentrèrent vaincus dans la pauvre grande ville en deuil, M. de Vineuil était sur leur passage, épiant les visages connus, attendant ou son fils, ou bien un message dont Maurice eût pu charger un ami, si son service le retenait encore hors des remparts. Mais la nuit devînt complète avant que M. de Vineuil eût rien appris. Ce fut seulement des officiers de l’état-major du général Ducrot, quand il parvint à les joindre, que le pauvre père obtint une indication vague : Maurice était encore à trois heures devant le parc de Buzenval, il s’était admirablement battu, personne ne l’avait vu tomber, il pouvait être prisonnier.

Alors commencèrent des recherches d’une autre nature et qui devaient durer deux longues journées. L’ennemi refusait même aux ambulanciers de pénétrer dans ses lignes. M. de Vineuil explorait vainement tous les replis du terrain que nous avions conservé, il apprenait des deuils ou des menaces de deuils qui retentissaient dans son cœur comme autant de prophéties sinistres. C’était le peintre Regnault tué ; c’était un ami, le colonel de Monbrison, blessé mortellement, — et il ne pouvait obtenir de franchir