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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

La nuit tombait comme nous entrions dans le parc ; j’étais morfondue malgré mes fourrures :

« Tu te réchaufferas vite, me dit Adolphe, vois là-bas comme ta chambre est éclairée, quel feu les domestiques t’ont fait !

— Mais je crois qu’on en a fait partout, répondis-je. Qu’est-ce qu’il leur a pris ? toute la façade est illuminée. »

J’étais enraidie de ma longue course et je descendais péniblement de mon équipage quand Thomas et Marie accoururent à la fois :

« Madame, c’est le prince de *** qui est arrivé il y a deux heures avec beaucoup de monde, il est dans la chambre de madame.

— Le prince de *** ! dans ma chambre ! et pourquoi ?…

— Il a voulu absolument celle-là et pas d’autre. J’ai enlevé ce que j’ai pu des affaires de madame et je les ai mises en attendant dans la mienne.

— Vous avez dit au prince que c’était la chambre de madame ? demanda encore Adolphe.

— Certainement monsieur, et même que jamais aucun officier n’avait songé… »

Nous étions entrés dans le vestibule : les candélabres des grands jours étaient allumés, il y avait une sentinelle au pied de l’escalier, des officiers descendaient, causant très-haut, comme chez eux ; on ne se fait pas à ces vues-là. Je devinai que la colère