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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

Toutes les influences convergent en ce moment pour obtenir une nouvelle sortie. Il y a dans la population une certaine impatience nerveuse qui finira par réagir sur la direction des opérations militaires. On est bien malheureux, à des heures pareilles, de posséder l’autorité qui a pu, une fois, sembler désirable. Parce qu’on n’ose pas dire que la sortie sera inutile, on est sans force pour la refuser, et pourtant la commander est assumer sur soi une lourde responsabilité.

Une dépêche du préfet de Lille confirme la victoire de Faidherbe à Bapaume. On a aussi quelques gazettes allemandes dont le ton marque une certaine considération pour la résistance de la France. Je voudrais voir ces gazetiers allemands, les rédacteurs du Times, et même les prétendus Français qui nomment leur pays un pays pourri pour se dispenser de le défendre, je voudrais les voir tous en ce moment assister au défilé des bombardés de la rive gauche qui viennent chercher asile jusqu’ici. Chacun porte ou traîne avec soi un bagage bien réduit ; les femmes, déjà chargées, mènent les enfants par la main ; tout cela est calme, simple, point aigri. Quand la Seine a été traversée, on se retourne sur le quai de la rive droite pour dire adieu au chez-soi qu’on ne reverra probablement plus que dévasté, et parmi tous ces gens sans pain, sans toit, peut-être sans espérance, vous n’entendrez pas une voix qui demande