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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

Berthe à André de Vineuil.
6 septembre.

Je t’écrivais hier et déjà je reviens à toi, cher frère ; chaque jour amène du nouveau, et un nouveau si triste !

Papa m’a appelée tout à l’heure, dès que les petits ont été couchés.

« Ma grande fille, a-t-il dit, nous réclamons aujourd’hui tes dix-sept ans au conseil de famille, c’est le moment ou jamais de vieillir vite. Nous avons, ta mère et moi, de grands partis à prendre. Tu sais que comme commandant de la garde nationale j’avais rassemblé quelques éléments de défense à S. Je croyais possible, sinon d’arrêter, du moins d’embarrasser les troupes ennemies qui passeraient par nos routes. Eh bien, ce désastre de Sedan a bouleversé toutes les têtes. À quatre heures j’ai reçu de la mairie ordre de licencier la garde nationale ; on prétend qu’il n’y a rien à faire contre les troupes qui sont maintenant libres de marcher sur nous. On va donc ouvrir ses portes ! ou plutôt se sauver en les laissant ouvertes ! Enfin c’est une panique !… Mon enfant, je ne saurais voir tranquillement ces choses-là s’accom-