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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

grièvement blessé le 30, avait succombé dans la nuit. Il avait trouvé l’occasion du coup d’éclat que souhaitait Maurice, et il a payé sa jeune gloire de sa vie. Que Dieu aide ses pauvres parents[1] !

C’était hier dimanche, et je me suis acheminé plus que triste, presque accablé, vers l’église. M. Dhombres prêchait. Il avait pris pour texte l’histoire de cette femme qui répandit sur les pieds de Jésus un vase de parfum, ou plutôt dans cette histoire il avait choisi le mot qui résume le reproche d’un apôtre : « À quoi bon cette perte ? » Il avait traversé mon cœur plus d’une fois depuis le matin, ce regret amer. À quoi bon ce sang répandu, ces larmes versées ? À quoi bon des efforts condamnés d’avance ? Aussi j’ai pris ce sermon comme adressé à moi seul. Je me suis laissé tancer, puis ranimer par cette parole enthousiaste et sereine, j’ai eu honte de moi, j’ai rappelé nos résolutions, chère femme, nos pures ambitions ; j’ai revu la beauté du sacrifice, même du sacrifice cru inutile, et j’espère ne plus défaillir.

On voudrait que ce qui vous a fait du bien pût franchir les murailles et s’en aller consoler les blessés de la semaine ; on voudrait redire aux familles en deuil qu’il n’est pas mort en vain, ce fils ou ce frère,

  1. On ignorait encore à Paris qu’un frère aîné du lieutenant E. de B…, capitaine de la garde mobile avait été tué le 24 au combat de Ladon.