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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

connais votre proverbe français : Marchand qui perd ne peut rire. »

Adieu, chère sœur, j’ai le cœur navré, presque révolté, et c’est mal.

Avons-nous vraiment mérité tant d’outrages et de désastres ! Qu’elle est dure notre peine ! Qu’il est noir notre avenir ! Et pourtant : « l’Éternel règne ! » Il règne ! — Comme aux jours de brouillard épais, on sait que le soleil n’en brille pas moins plus haut, dans sa gloire entière et dans son entière beauté, de même nous savons que par-delà ce sang, ces deuils et ces angoisses, l’infinie bonté de Dieu est demeurée la même. Là où nos actions de grâce l’allaient jadis trouver, elle plane, sereine et toute-puissante ; elle attend son heure, l’heure où de nouveau nos louanges l’iront encore chercher. Non, je ne veux pas désespérer, — mais cependant, que c’est long ! et que c’est dur !

Monsieur à madame de Vineuil.
Paris, 28 novembre.

Nous venons de passer par des journées et des nuits de travail incessant. Le moment du grand effort, si désiré surtout par ceux qui n’y connaissent rien, approchait, et il fallait le préparer.