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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

leur expliquèrent les faits et comment c’était leur soldat qui avait assassiné un Français sans défense. Les camarades du Prussien, interrogés, donnèrent leur témoignage selon la vérité : tout fut inutile. Les officiers furent polis, mais dirent que la sûreté de leur armée ne pouvait être obtenue que si chacun était intéressé à la maintenir ; qu’il fallait un peu de terreur, et que si le charretier eût survécu, force aurait été de le faire fusiller.

Adolphe en a appelé au général commandant le corps d’armée et est parti sous escorte pour Orléans. Il est rentré le soir fort tard ; l’aide de camp de service avait promis que l’affaire serait examinée. Tout à l’heure une note en allemand vient de nous apprendre la conclusion de cet examen :

Son Excellence maintient l’amende de 20,000 fr. ; toutefois, eu égard à la pénurie d’argent mentionnée par M. le comte de Thieulin, quittance du tout sera donnée contre le paiement immédiat d’une somme de 16,000 fr. (dont moitié au moins en espèces), que le porteur du présent ordre a charge de recevoir.

Et voilà ce qui décourage de s’exercer au pardon ! On a voulu penser beaucoup à ses propres fautes et ne voir qu’un châtiment juste dans l’épreuve de la nation ; on a essayé d’appeler chaque insolence, chaque douleur nouvelles : les maux inévitables de la guerre ! Même on a supposé que nos Français vainqueurs n’auraient souvent pas mieux agi que les Alle-