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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

tiré par les fenêtres. Enfin les Prussiens avaient pénétré dans la maison, ils avaient massacré nos soldats, puis tout avait été brûlé : maison, grange, étable. La pauvre famille ruinée avait continué depuis lors à marcher sans savoir où. Elle n’a plus qu’une crainte, celle d’être rattrapée par l’ennemi, et père, mère et enfants répètent à tous ceux qu’ils rencontrent :

« C’est inutile de vous défendre, personne ne peut résister aux Prussiens, ils fusillent tous ceux qu’ils peuvent prendre et brûlent les maisons. Sauvez-vous ! sauvez-vous ! »

Voilà pourtant de quelle façon la panique se répand et s’augmente. On ne raisonne plus, on ne songe qu’à sa propre vie, on ne pense plus au pays, et ceux qui ont entendu cet affreux sauvez-vous ! le répètent à leur tour à d’autres.

Robert était revenu avec le lait pour le baby, et Nanette avait elle-même apporté un gros pain et du vin. Nous avons eu un vrai bonheur à voir ces malheureux se ranimer et jouir un instant. Le petit cœur de Marguerite s’est ému pour les poulets, elle leur a émietté du pain et leur a cherché de l’eau, puis l’on s’est dit adieu. Et comme la charrette tournait notre mur, nous avons tous crié ensemble ;

« Bon courage ! »

Et nous sommes rentrés.

« Berthe, m’a dit Robert qui devint tout à coup