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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

de Bonneval à Neuvy-en-Dumois, puis à Allaines, où l’on rejoint la grande route de Chartres à Orléans. Le départ s’est bien effectué, quoiqu’au moment de quitter Thieulin l’attendrissement des domestiques qui s’effrayaient d’être ainsi laissés seuls m’ait gagné plus que je ne l’aurais voulu. Qui sait, lorsqu’on se quitte en une année pareille, si l’on se reverra ? et comment ?

Enfin j’ai laissé les clefs aux caves et recommandé de ne point irriter les occupants s’il en survenait. Mieux vaut la cave vide que notre vieux Thieulin brûlé.

De Bonneval à Neuvy, la route nous a semblé déserte ; on aurait dit que personne n’était pressé de se montrer, et l’unique bruit de nos seules roues sur le macadam gelé avait fini par me paraître lamentable. J’ai presque regretté mon grand courage en voyant comme il avait peu d’imitateurs.

Les rosses louées à grand’peine à Bonneval ne remplaçaient pas nos deux belles bêtes emmenées l’autre semaine ; tout ce qu’elles ont pu faire le 29 a été d’atteindre à la nuit un tout petit village qui n’est même pas sur la route Viabon, où nous avons couché. Heureusement que les postes prussiens semblaient s’inquiéter fort peu de nous ; on n’a demandé nos papiers qu’une fois dans toute la journée, en entrant à Neuvy. Je crois que nous sommes jugés à première vue et bien vite qualifiés : gens inoffensifs.

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