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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

Barbier à madame de Vineuil.
Rouvray-Sainte-croix, 3 décembre.

Madame.

J’ai l’honneur de prévenir madame que M. André est ici dans ma carriole avec autant de paille que j’en ai pu trouver et deux couvertures tout laine, moyennant quoi il est en aussi bon état que ça se peut avec l’accident qu’il a attrapé. Faut pas que madame s’imagine que c’est grave, ni qu’il sera boiteux. Pas le moins du monde, c’est deux chirurgiens qui ont promis la même chose. C’est seulement parce qu’une balle a tapé dans le genou qu’il est tombé, mais elle a glissé de haut en bas et on a pu voir en la sortant que ce qui marche dans le genou n’avait rien. Faut pas tout de même qu’il attrape la fièvre, et c’est à quoi nous tâchons de notre mieux et aussi à nous sortir de la bagarre où nous sommes présentement, avec toute l’armée. Le premier jour on a eu le dessus, le second ce n’était plus ça et on s’en va maintenant s’abriter à Orléans. C’est pourquoi M. André est dans ma carriole pendant que la jument mange