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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

-être réunir 20,000 francs si on laissait libres avec lui dix-neuf de ses gardes nationaux qu’il comptait choisir parmi les soutiens de famille. Le commandant finit par accepter les 20,000 francs, mais pour M. Barral seul, disant que les autres, sans exception, seraient envoyés en Allemagne.

Malgré les supplications de sa femme qui est héroïque tout juste à ma façon, M. Barral a tenu bon et est parti avec tous ses hommes, ne voulant pas, puisqu’il n’en pouvait sauver aucun, séparer son sort du leur. On ne sait pas encore où ils sont. Ils marchaient d’étape en étape avec une escorte, et la pauvre Mme Barral est restée à moitié folle, car elle craint quelque coup de pistolet qui fasse en route payer son mari sa résistance.

Imaginait-on perversité pareille ? Ce qui me vexe, c’est d’avoir été jadis, au nombre de ceux qui, de confiance et bêtement (il faut bien dire le mot), admiraient les Allemands et leur prêtaient toutes les vertus parce qu’ils savaient lire. Lire est beau, et lire nous a manqué, mais lire n’est pas tout. Puis haïr est laid, le fiel de la haine prussienne a suffi pour faire tourner en barbarie une civilisation dont l’envie avait surexcité les progrès. Ce que nous apportent comme une nouveauté les Prussiens du xixe siècle, c’est le rétablissement de l’usage de la mise à rançon. Les brigands de Marathon n’ont pas fait mieux, et l’Europe entière qui s’est émue l’an dernier de leur