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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

s’essayait à dompter sa mauvaise humeur, quand un parti d’une vingtaine de chevaux environ paraît sur la route, les officiers descendent à dix pas de lui. Le général prévoit le sort qui attend sa maison ; aussi vite que le permettent ses vieilles jambes, il monte à sa chambre, arrache ses tiroirs de commode, les jette sens dessus dessous, il saisit de vieux journaux, les froisse et en jonche le plancher, il défait son lit, casse une bouteille vide et s’assoit tranquillement dans l’ombre de son alcôve. Une halte dans la salle à manger, devenue salle à boire, avait retenu quelque peu ces messieurs ; mais les grosses bottes ne tardent guère à se faire entendre dans l’escalier. On entre à droite, on entre à gauche, on choisit, on laisse, on emporte ; personne ne pénètre dans sa seule chambre. Chacun avait bien poussé la porte, mais voyant ce beau désordre : « Il n’y a plus rien à faire, les camarades ont passé par là, » avaient-ils dit tout haut, et ils s’étaient hâtés de chercher une meilleure place à fouiller.

Les de M… sont encore plus malheureux. Leurs quatre chevaux sont enlevés, ainsi que leurs voitures et toutes leurs provisions de bouche. Le mobilier est sali, brisé ; on a cassé les glaces à coups de crosse et les marbres des cheminées à l’aide des chenets, et l’occupation n’a duré que quarante-huit heures. Pour comble d’insolence, les misérables ont disposé en cercle les fauteuils de ce beau salon tendu de cre-