Page:Boissonnas, Une famille pendant la guerre, 1873.djvu/153

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

137
UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

rain échappé. Maman a décidé que le lendemain on irait à sa recherche pour lui compléter ses vivres et achever de lui donner des directions sur sa route. Elle a pensé qu’en faisant de cette course une promenade pour les enfants, nous dérouterions encore plus sûrement les soupçons qu’en envoyant François tout seul. Nous sommes donc partis à une heure, par un pâle rayon de soleil ; maman était avec nous, et François portait un panier intitulé goûter, mais qui contenait bien d’autres choses. Le sergent nous vit passer et salua.

« Nous allons goûter dans la forêt ! » lui cria Robert, qui, l’instant d’après, devint tout rouge de l’intention qu’il sentait à sa phrase.

François nous conduisit par la butte Blanche ; le canon de Paris s’entendait si distinctement du sommet que j’en eus le frisson. Les coups retentissaient, séparés les uns des autres, et on s’imaginait voir tomber les hommes.

La butte dépassée, nous trouvâmes quelques-uns des grands trous que les gens du pays avaient creusés pour y enfouir les vivres : ils étaient vides. Les Prussiens les ont-ils devinés, ou bien les pauvres gens eux-mêmes sont-ils venus, pressés par la faim, chercher ces dernières ressources ? Nous n’en savons rien. Il y a longtemps que tous les bestiaux cachés dans les bois ont été découverts et enlevés ; nous avons trouvé les toits de genet dressés pour eux,

8.