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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

Berthe à andré de Vineuil.
Les Platanes, 22 novembre.

Cher André, tes lettres du 10 et du 12 sont arrivées ce matin. C’est bien la victoire pour nous, la vraie et complète victoire, que de te savoir sain et sauf, et dans la pleine joie de ce premier succès de tes premières armes.

Si tu savais ce que le bonheur a fait de nous ! Maman pleure en souriant ; les petits chantent, d’un air tant soit peu provoquant, la Marseillaise aux Prussiens ; François, après avoir entendu deux fois lire tes lettres, n’est pas encore satisfait et revient toutes les dix minutes demander qu’on lui montre sur la carte où est Coulmiers ou bien Orléans, et quelle route madame pense qu’on va suivre jusqu’à Paris ; pour moi, je pleure avec maman, je chante avec les petits, je raisonne avec François, et mon bonheur serait complet s’il existait un moyen, un seul ! de faire savoir de tes nouvelles à mon père. Pauvre père ! quand je pense qu’il en est encore, ainsi que Maurice, à se demander si tu vis ! Quelle affreuse, horrible chose que la guerre, même avec la victoire !

Je n’ai pu encore te finir l’histoire de notre Lor-