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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

bien vite sur le premier morceau de papier venu. Pendant ce temps, il demandait s’il y avait des mobiles dans le château ou dans les bois. Adolphe, qui revenait du parc, fut alors accosté par lui et dut répondre à la même question sur les mobiles, appuyée de : « Donnez renseignements vrais ». Après nous avoir salués, l’officier se dirigea vers la basse-cour, mit pied à terre, visita les écuries et l’étable, et demanda du pain chez Pierre. Pierre ouvrit sa huche, et les soldats prirent les trois pains qu’elle contenait. Le pauvre homme réclama, disant que ses six enfants n’en auraient pas. L’officier lança un juron et en fit rendre deux ; mais dès qu’il eut les talons tournés, les hommes les reprirent ; puis tout le peloton s’en fut ; nous le vîmes longtemps de la fenêtre. C’étaient nos vainqueurs !

Une heure après, un officier et un autre peloton se présentèrent à la basse-cour, mais sans venir jusqu’ici. L’officier fit à Pierre les mêmes questions qu’avait faites le premier.

Nous avons passé une triste soirée. À l’horizon nous apercevions des feux sur plusieurs points et nous croyions voir autant d’incendies ; nous avons su depuis que, Dieu merci, ce n’étaient que des feux de bivouac.

Ce matin, dès sept heures, nous voyons déboucher du bois seize Prussiens avec un officier ; ils étaient venus à travers champs et étaient couverts de boue,