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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

Berthe à André de Vineuil.
Les Platanes, 3 novembre.

Ah ! frère André ! par où commencer ?… Comment te dire !…

On avait reçu hier d’un fermier de Rully la provision d’orge des volailles, et maman avait décidé que dès ce matin François irait payer. Elle sait combien les gens les plus à l’aise d’ordinaire peuvent se trouver gênés, maintenant que toutes les communications sont interrompues.

François est donc parti pour Rully ce matin, et Robert et moi avec lui. C’était la première fois que nous sortions de nos murailles depuis l’invasion ; Robert mourait d’envie de faire une course, et quant à moi, maman a jugé bon pour ma mine de prendre le grand air.

Nous voilà donc tous trois dans le petit panier traîné par Poney, heureux malgré tout, il faut l’avouer, du mouvement, du vent frais qui nous fouettait le visage, heureux de nous retrouver, comme si la guerre eût été un rêve, en liberté, en plein champ, sans Prussiens à l’horizon. Et pourtant le canon de Paris s’entendait très-bien. Les dernières