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Un Vaincu.

Du reste, si la douleur du passé restait dans le cœur de Lee et si elle se ravivait encore chaque fois qu’une souffrance des vaincus, conséquence de ce passé, lui était révélée, la paix était faite entre lui et ses adversaires d’autrefois, et cette paix rayonnait de lui à tous ceux qui l’approchaient. Il était arrivé à ce point de vertu chrétienne qu’on se sentait meilleur à le voir, à l’entendre, à songer à lui. Ce n’étaient pas seulement ses propres soldats qu’il aimait et dont il était aimé, c’étaient les Fédéraux aussi. Souvent on le rencontra causant familièrement avec des hommes « de l’autre côté » et discutant les faits de guerre auxquels chacun des interlocuteurs avait pris part sous son drapeau respectif. Il secourait les vétérans du Nord avec le même empressement que ceux du Sud.

« C’est un de nos soldats, » disait-il.

— « Mais n’était-il pas de l’autre côté ? » objectait-on.

Et Lee répondait : « Cela n’y fait rien. »

La dernière année de sa vie, allant voir à Norfolk un vieil ami, il écrivit pour supplier