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Un Vaincu.

ne dépendaient pas de lui, — de lui dépendaient le jour même, la lutte, et il luttait. Saluons-le, car c’était un héros. Il a fait plus pour l’âme humaine en sachant souffrir et même laisser souffrir, que ne sauront jamais faire les gens à négociations savantes, — il a affirmé que le devoir vaut mieux que la vie.

La retraite continuait. À droite, à gauche, les escadrons ennemis formaient une menaçante escorte à la longue file des Confédérés, ils profitaient de tous les moments opportuns, fondaient sur les groupes des Sudistes exténués et leur enlevaient tantôt une voiture, tantôt un canon.

Les Sudistes cueillaient sur leur chemin, et mangeaient, en marchant, les bourgeons verts à peine délivrés de leur prison d’écorce. On était aux premiers jours de mai, l’herbe n’avait pas encore poussé, et ni les chevaux ni les mules n’avaient la ressource de brouter ; ils tombaient sur le chemin, leurs conducteurs mettaient le feu aux voitures sans attelages et passaient. Quand il s’agissait d’un caisson, le sinistre bruit de l’explosion l’annonçait à toute la colonne, et les mourants