Page:Boissonnas, Un Vaincu, 1875.djvu/252

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


224
Un Vaincu.

témoin[1]. La farine de blé ou de maïs, dont ils recevaient une poignée, était moisie. Le café, qui se faisait avec de la poudre de pommes de terre brûlées, et le sucre, étaient un luxe accordé seulement de temps à autre, aux grandes occasions, et les rations microscopiques faisaient rire de pitié ceux qui les mesuraient… »

L’armée était en haillons. Les habits râpés, dans lesquels les hommes avaient maigri, flottaient sur leurs membres comme accrochés à un épouvantail pour les oiseaux. Leurs jaquettes grises[2], en lambeaux, ne les préservaient plus du vent aigre qui leur arrivait à travers les plaines glacées. Leurs vieilles couvertures, amincies par l’usage, ne leur donnaient plus de chaleur quand ils s’en enveloppaient, frissonnants, dans les longues nuits froides. Les chaussures montraient des trous béants. Elles avaient servi en

  1. Cookes.
  2. Une teinte gris-brun avait été adoptée faute d’autre teinture par l’armée des États confédérés. C’était la seule que ses ressources lui permissent d’employer. Elle était obtenue au moyen de la noix indigène appelée butternut.