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MORCEAUX INÉDITS.


« Ce n’est pas Apollon. Ce n’est pas l’amant de Venus qui serait descendu de son char d’airain. Enfants d’Iphimédée, Otos, et toi, audacieux Ephialte, vous êtes morts, on le dit, dans la grasse Nasos. Une rapide flèche partie du carquois invincible de Diane chasseresse a frappé Tityos, pour apprendre aux humains à ne point désirer d’impossibles voluptés. » Ils discouraient ainsi, faisant de paroles un mutuel échange. Cependant Pélias arrivait, pressant la course impétueuse des mules attelées à son char brillant. Une stupeur soudaine enchaîne ses sens à la vue du cothurne qu’il reconnaît trop bien, du cothurne unique qu’à son pied droit porte le voyageur. Mais cachant sa crainte dans le fond de son cœur : « Étranger, » dit-il, « quelle terre est ta patrie ? et, parmi les faibles mortelles, quelle est la noble mère dont les flancs t’ont donné la vie ? Dis quelle est ton origine, et ne la déshonore point par un mensonge. Le mensonge m’est odieux. »

L’étranger lui répondit par ces mots pleins de douceur et d’assurance : « Je suis, et le dis hautement, l’élève de Chiron. Je viens de l’autre du Centaure où, près de lui, Philyre et Chariclo, ses chastes filles, m’ont élevé. La vingtième année de ma vie s’est accomplie, sans que la noble famille ait vu de moi une action, entendu une parole dont je puisse rougir. Je rentre en mes foyers pour reprendre à ceux qui le tiennent injustement ce sceptre paternel que jadis Éole reçut des mains de Jupiter pour le transmettre à ses fils ; car j’apprends qu’au mépris de la justice, et n’obéissant qu’aux mouvements d’une âme téméraire, Pélias l’a, non sans violence, arraché aux mains de mes parents qui seuls avaient droit de le porter. Craignant pour moi l’outrage d’un chef insolent, ils feignirent mon trépas au moment même où, pour la première fois, mes yeux s’ouvraient à la clarté, et remplirent le palais