chevalier du voisinage, Folquet de Beaumont, le galant troubadour.
Sous l’apparence d’un ange noir, muni de larges ailes, le diable apparut au sire de Brison, et lui dit :
— Brison, ta femme se marie. On signe le contrat ce soir.
— Eh bien ! répondit Brison résigné ; que veux-tu que j’y fasse ? Je suis dans un cachot de Palestine, à mille lieues du Vivarais.
— Oui, mais tu peux être à Brison avant l’heure fatale et empêcher ta femme de se donner à un autre.
— Tu me délivrerais de prison, et tu me porterais dans mon château, cejourd’hui même ?…
— Foi de Satan !
— Et que réclames-tu pour un office pareil ?
— Ton âme.
— C’est trop cher. Je n’accepte pas.
— À ton aise !… Tu mourras dans ce cachot, et la dame de Brison, la belle Alix de Nojaret, sera la femme de Folquet de Beaumont, de ce Folquet plus jeune que toi et dont les vers d’amour lui troublent la cervelle.
— Tu crois qu’ils s’aiment ?
— Tellement, que Folquet a fait pour ta femme ce que jamais tu n’aurais fait toi-même.
— Et quoi donc ?
— Alix a demandé à Folquet de s’arracher l’ongle du petit doigt pour l’amour d’elle.
— Et Folquet a commis cette sottise ?
— À preuve, qu’Alix de Nojaret, dame de Brison, porte au cou, enchâssé dans un petit reliquaire d’or, l’ongle saignant de Folquet de Beaumont.
Brison furieux secoua ses chaînes.
— Démon, rugit-il, n’ajoute plus rien. J’accepte, mais à une condition : Je te donnerai mon âme si le mariage de ma femme avec Folquet n’a pas lieu. Sinon, tu n’auras que les restes de mon souper.
Le Diable réfléchit un instant. Puis, il reprit avec un joyeux ricanement :
— C’est convenu. Comment dois-je te porter ? Sur branches ou sous branches ?
— Sur branches, jour de Dieu !
Satan reprit aussitôt les fers de Brison, le plaça sur ses ailes, démolit les murs du cachot et s’envola.
En traversant la mer, le diable dit à Brison :
— Fais le signe de la croix.
Brison répliqua d’un ton impérieux :
— Ange déchu, file toujours. Je ne suis pas un nigaud.
À la vesprée, Satan déposait Brison devant son château, sur les flancs mêmes de la montagne où se dressait la grande tour solitaire, battue des quatre vents.
Chevaliers et pages, dames et demoiselles dansaient la