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MADAME DE SÉVIGNÉ

nous allons voir que Mme de Sévigné, malgré toute l’originalité de son esprit, ne s’en est pas affranchie plus qu’une autre.

Comme elle s’est longtemps fort bien portée, dans les débuts de sa correspondance ce n’est pas pour sa santé qu’elle est inquiète, mais pour celle des autres. Les causes de préoccupation ne lui manquent pas ; il semble, à certains moments, qu’un mauvais vent ait passé sur tous les gens qu’elle aime. Ses lettres sont pleines de tristes nouvelles : c’est le cardinal de Retz qui s’éteint à Commercy ; c’est Mme de la Fayette qu’une fièvre lente consume, à côté de la Rochefoucauld cloué, par la goutte, dans son fauteuil ; c’est Corbinelli qui souffre de maux de tête « à perdre la raison », et ne se soutient qu’en prenant de l’or potable. Au delà de ce cercle intime dont Mme de Sévigné est toujours occupée, il y a les amis moins familiers, parmi lesquels les maladies font beaucoup de ravages. A Saint-Germain, à Versailles, où la terre est sans cesse remuée pour bâtir des palais, construire des terrasses, creuser des bassins, la fièvre est en permanence. Le roi même et sa famille n’y échappent pas ; les courtisans sont décimés, et ceux qui y résistent succombent à la petite vérole, au rhumatisme, à l’apoplexie. Puis vient « la troupe nombreuse des vaporeux », hommes et femmes du monde fatigués de veilles, usés de plaisirs, malades d’ambitions déçues et d’espérances trompées, souffrant de leurs mécomptes et du succès des autres, inquiets sans motif, agités sans but, atteints de ces malaises